Whitehouse - Live Action 95, 28th September 2002 Batofar, Paris, FRANCE.

Whitehouse au Batofar semble être un concept autant inattendu que Con-Dom au New Morning, vu la clientèle aussi hype que la musique est généralement consensuelle. Mais ce fût pourtant l'un des concerts les plus ironiques et divertissants que j'ai eu l'occasion de voir durant cette année.

La soirée étant décalée d'une bonne heure, c'est à 22h15 que Fred Nipi démarre les festivités avec son noise un peu standardisé, quoique marqué par une forte préférence pour des aigus sifflants. N'étant ni particulièrement innovant ou ridiculement mauvais, le set ne laisse pas de souvenir quelconque (sauf pour sa crise de colère contre un micro refusant de marcher).

23h, entrée sur scène des trois protagonistes. Un mouvement de foule presque pavlovien se produit, on se bouscule et on se pousse. Bennett hurle, Best triture les appareils et Sotos se balade à droite et à gauche, en accordant un geste moqueur au public de temps en temps. Une bonne partie de "Cruise" est passée durant la 1ère demi-heure, avec les morceaux les plus efficaces de celui-ci ("Princess Disease" si je me rappelle bien) et des anciens titres dont "Thank your lucky stars", qui fût un vrai moment de joie. La foule n'a pas arrêté de leur balancer des cigarettes allumées et de la bière à la figure, et pourtant il n'y a aucune réplique digne de ce nom du groupe. Quelques lurons égarés gueulent sporadiquement "white power", mais ne tentent pas le sieg à l'ancienne. "On est au Batofar après tout", et même ces terroristes culturels du samedi soir en tiennent compte. Quelques vaines tentatives de monter sur scène sont aussitôt avortées par Sotos, tandis que les pogos s'enchaînent devant les yeux d'un public à 75% amorphe ou confus (très marrante la fille qui se dandinait comme à sa première boum durant la séquence de samples de Best).

A ce moment, l'ambiance retombe avec la disparition de Bennett et de Sotos, nous laissant avec un Best regurgitant ses samples saturées de victimes de viol et autres incestes, comme aux heures de gloire de Consumer Electronics. Ce quart d'heure particulièrement chiant est interrompu par un bon samaritain anonyme du power electronics, qui monte sur scène et tente de foutre Best à terre. Celui-ci réagit et le vire, et on assiste peu de temps après au retour de ses collègues, qui se lancent dans un "Rock n' Roll" très réussi. Mais c'est le toujours aussi efficace "A Cunt like You" qui saura montrer de quoi Whitehouse est capable quand il ne sombre pas dans l'auto-parodie et la complaisance. Comment un flot d'insultes et de bruits saccadés peut-il devenir un tel coup de pied dans la tête? Je m'en veux d'être resté cloué sur place à cet instant au lieu d'être reparti au sein du joyeux bordel qui atteignait son paroxysme.

A l'heure où les clones misogyno-serial-killers-pédonazis inondent les distributeurs avec des sous-copies presque identiques, Whitehouse garde toujours une place à part grâce à une ironie dont ces imbéciles ignorent l'existence même. Un concert de Whitehouse est un piège à cons. Soit vous restez derrière comme un veau sage avec les mains sur les oreilles, à murmurer que "ce n'est pas extrême après tout" ou "mais c'est nul", soit vous vous déchaînez comme un vulgaire punk bourré en essayant de provoquer le groupe au maximum au passage. Dans les deux cas, vous êtes exactement en train de jouer leur jeu. Rien n'est de votre volonté. Et à part Whitehouse, je n'ai vu aucun concert capable de faire un doigt d'honneur aussi magistral au public.

Certes, on peut se lamenter sur le mixe trop bas des voix, les samples miteux de Best ou le manque de vigueur de la part de Sotos (serait-ce dû à ses performances spoken word?), mais ce ne sont que des détails pointilleux face à ce qu'il reste à retenir de la soirée: "Do you wanna rock n' roll?" "Rock n' roll!" répondent les cobayes, tandis que les veaux se taisent.

TCK


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